C'est curieux, chez le marin, ce besoin de faire des phrases...Illustration de Valérie Augry, artiste havraise qui laisse parler les petits papiers.
Le vent nous portera.
Je ne connais presque rien de lui, exceptés les bons moments passés en sa compagnie. La première fois que je l’ai vu, il faisait froid, je crois…Mais maintenant je ne sais plus. Une arrivée, tout de noir vêtu, au livre blanc de mes souvenirs fugaces, c’est peu comme indices.
C’était avant une nuit de noces, le samedi soir probablement ou un lundi de funérailles, le jour des morts, allez savoir… Les preuves s’effacent avec le temps.
Angelo, en proie au doute, se roule une cigarette et prend du recul. Il paraît que la mémoire revient après une courte pause. Le quart d’heure semble long, les bras croisés, la tête ailleurs. Dans le silence d’une aube propice, une petite voix se veut complice.
« Arrête de planer, Pépère, lâche le manche et revient sur terre. » conseille l’effrontée.
L’écriture n’est pas une sinécure. Du cerveau à la plume, il faut de la suite dans les idées. Quand une clope et un café ne suffisent plus, le cauchemar du pilote ne fait que commencer. Mais les auspices sont favorables, le brouillard se dissipe, une piste apparaît soudain, à l’horizon. Le miracle ne tient à pas grand-chose, la parité étrange, voulu par l’esprit, en est visiblement la cause. La femme devient un guide quand l’homme perd la boussole. Une muse, aussi impertinente que posée, a toujours raison. Sans elle, le poète égaré ne peut envisager une sortie honorable.
Un voile se lève, le jour s’étire, tout s’allume mais rien ne bouge. L’inconnu au bataillon reste un mystère à éclaircir.
« Aide moi, petite buse, crois-tu vraiment que je m’amuse? » crie l’oppressé.
Angelo n’a plus d’oxygène dans les bouteilles, c’est l’heure d’aller promener le chien. Le laobé, comme l’écrivain, a besoin de s’aérer. Le vent du nord, ça revigore, quoi de mieux que la plage pour un bon décrassage. Ses bienfaits sont tonifiants, l’animal y vient par instinct, l’humain par nécessité.
Au bout du monde, la vie ne s’arrête jamais. L’énergie paraît éternelle face à cette insondable immensité. Dieu est présent, certes. Mais l’atome, l’élément constitutif de la matière, existe également. Depuis l’antiquité, la religion et la science se sont opposées sur l’origine de l’univers. La nature est ainsi faîte, l’homme use de stratagèmes pour arriver à ses fins. Entre l’infiniment grand et l’invisiblement petit, seule la relativité fait preuve de vérité. L’idéologie et le pragmatisme s’y côtoient en toute liberté. C’est ce qu’on appelle la tolérance, premier fournisseur de paix au Sénégal. Ici les gens ont le sens de l’accueil, personne ne veut mettre en péril ce bel équilibre qu’est la Teranga. L’obscurantisme et la xénophobie n’y ont jamais prospéré.
Attention, toutefois, à rester vigilant, l’hospitalité tend à disparaître dans un monde de profits. Le partage des richesses semble déjà compromis, en Occident. Les cantines de l’aide sociale regorgent de bouches inutiles selon certains médias.
Difficile de résister, en état, face aux vents de l’histoire, sous les déferlantes infâmes du mépris et de la haine.
La grandeur d’une nation se reconnaît dans l’abnégation de son peuple. N’en déplaise à certains ambitieux du pouvoir, l’avenir se construit sur des valeurs éthiques, pas sur des critères arbitraires, ni des mensonges identitaires. Les ressources du sol ne seront profitables que si elles échappent aux griffes d’un capitalisme sauvage. Il est urgent de les inscrire au patrimoine de l’humanité avant que la sixième extinction de masse ne soit irrémédiable. Au pays de Senghor, l’éloquence et l’élégance demeurent les clés du progrès. Quelles que soient les circonstances, la diplomatie reste le langage du juste. Un ambassadeur de bonne volonté aura toujours du crédit au sein d’une société digne, respectueuse et déterminée.
Les sénégalais, une fois de plus, viennent de prouver, au monde entier, leur formidable maturité politique. Malgré les larmes et le sang versés, ils sortent, de l’épreuve, grandis, soudés, humbles dans la victoire. Le changement c’est maintenant, il faut savoir tourner la page en relevant le défit.
Le peuple est souverain en démocratie, ne l’oublions pas!
Le cinquième Président de la République sera, selon toute vraisemblance, le porte-parole d’un collectif de raison. Un vent de liberté porte désormais les attentes d’un peuple uni. L’ironie du sort a montré, sans doute, les limites du pouvoir.
Comment un état de droit pouvait-il rester crédible alors qu’un candidat et son mentor, en tête dans les sondages, étaient maintenus en prison?
L’amnistie présidentielle, en levant le dernier verrou résistant, a sauvé l’honneur des institutions. La nation et sa jeunesse n’attendaient plus que ses héros afin que la fête commence.
Que les vents leur soient favorables, après la pluie vient le beau temps, paraît-il!
Cette évidence n’a rien d’anodin, bien au contraire. Dans le passé, l’Afrique a connu des lendemains qui chantent, de grands hommes y ont semé l’espoir. Les Mandela, Sankara, Lumumba et tant d’autres se sont mobilisés pour un panafricanisme ancré dans les consciences. A nous de perpétuer l’esprit rassembleur, pacifique et profondément humain de tous ces pères fondateurs. L’histoire se répète au fil du temps, il est temps de remettre l’Afrique et ses ressortissants au cœur d’un débat plus équitable.
Angelo est prêt à faire des concessions, la sagesse et la tranquillité, ça n’a pas de prix. Il a trouvé, dans l’écriture, le salut de son âme. Vieillir l’oblige à rester jeune, entreprenant mais jamais soumis. Demain sera le point de départ d’une aventure exceptionnelle, la chance souriant toujours aux audacieux.
Puisse le Sénégal devenir un modèle de progrès social dans ce monde si divisé. L’humanité est en danger, elle se doit de réagir.
Maintenant, qu’à l’horizon, pointe un jour nouveau, Angelo s’endort, l’esprit rassuré. Conscient et solidaire, il ne peut qu’apprécier le rêve de tout un pays. En son giron, il a su rebondir, après moultes péripéties, sur son chemin d’homme libre.
Bons vents aux jeunes générations, vous n’êtes pas venues beurrer les sandwichs de l’ancien régime, ni boire la lie jusqu’au calice. Soyez vigilants mais, de grâce, restez vivants.
Par ces mots, Angelo tient à rendre hommage à celles et ceux qui ont consacrés leurs vies à la cohésion et l’unité entre les peuples. Le sacrifice n’a pas été vain, il est porteur d’espoir, de sentiments retrouvés.
Tout semble clair dans sa tête, même l’homme mystère, instigateur de cette chronique, révèle son vrai visage. Rien de plus noble qu’une terre amicale et un lien familial pour réunir deux êtres déracinés.
Merci Igor, mon cousin, pour cet amour partagé du Sénégal. Bon voyage parmi les étoiles. Que l’alizé te ramène à jamais vers les cieux africains. Ton expérience et tes conseils avisés en matière de développement resteront un bien précieux pour la nation, maîtresse de son destin.
So long, Mister… Tu nous manques déjà. Aide nous à garder le sens de la famille afin que les hommes de bonne compagnie puissent vivre en paix. Ton âme, désormais, veille sur la Teranga.
Pendant que la marée monte
Et que chacun refait ses comptes
J’emmène au creux de mon ombre
Des poussières de toi
Le vent les portera
Tout disparaîtra mais
Le vent nous portera